Saisi par des associations, le Conseil d’État a suspendu jeudi le gel de la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France, décidé par le gouvernement à cause de la crise sanitaire.
“On a gagné !”. Mustapha Belhadj ne peut contenir sa joie. Cet Algérien de 50 ans en situation régulière en France espère que la décision du Conseil d’État permettra à sa femme d’obtenir rapidement un visa de regroupement familial et ainsi le rejoindre dans l’Hexagone.
Jeudi 21 janvier, la juridiction, saisie en décembre par plusieurs associations, syndicats et personnes étrangères, a donné raison aux requérants en suspendant le gel de la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non européens.
“Nous sommes très contents de cette décision”, a réagi Mustapha, joint par InfoMigrants. “Les gens étaient émus lors du verdict, beaucoup pleuraient de joie. Nous avons hâte de retrouver nos familles”, a ajouté l’Algérien.
Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, le gouvernement avait décidé en mars 2020 de limiter la circulation sur le territoire national des personnes en provenance de l’étranger. Depuis, à de rares exceptions près, les membres de la famille des ressortissants d’autres nationalités résidant en France ne peuvent plus entrer sur le territoire national, contrairement aux conjoints et enfants de citoyens français ou européens.
Marié depuis avril 2019 avec une Algérienne, Mustapha, comme tant d’autres, ne parvenait pas, depuis août, à faire venir en France son épouse. Cette dernière est dans l’incapacité d’obtenir un visa auprès du consulat français malgré la validation de leur demande de regroupement familial à l’issue de l’instruction de leur dossier.
“Atteinte grave au droit à la vie familiale”
Dans sa décision, le juge du Conseil d’État a estimé “que la mesure attaquée porte une atteinte grave au droit à la vie familiale normale de l’ensemble des intéressés et à l’intérêt supérieur des enfants en cause” et conclu qu’il existait “un doute sérieux” sur sa légalité “qui justifie qu’elle soit suspendue”.
Il a également rappelé que le nombre des personnes bénéficiant du regroupement familial n’excédait pas en temps normal 60 personnes par jour et que “l’administration n’apporte pas d’élément montrant qu’un tel flux pourrait contribuer de manière significative à une augmentation du risque de propagation du Covid-19”.
Du côté de la Cimade, une des associations requérantes, “on se réjouit” aussi de “cette décision qui fait droit à [leur] demande”, mais on reste prudent. “La question posée maintenant est de savoir comment les consulats vont réagir”, s’interroge Gérard Sadik, responsable des questions d’asile à la Cimade, contacté par InfoMigrants. Vont-ils instruire les dossiers et délivrer des visas rapidement ou faire les choses lentement ?”